Par Rita Sidki
Mercredi 30 juin, le nouveau président du gouvernement catalan Pere Aragonés a annoncé qu’il était prêt à renouer les négociations avec Madrid. Toutefois, ce dernier a insisté sur le fait qu’il maintient sa position en faveur de l’indépendance de la Catalogne.
Le renouement du dialogue avec Madrid
Le président avait rencontré le chef de gouvernement socialiste Espagnol, Pedro Sanchez, lors d’une réunion la veille. Les deux hommes politiques ne semblent toutefois pas encore avoir trouvé de terrain d’entente. Pere Aragonés continue d'exiger la tenue d’un référendum d'autodétermination, ce qui est fermement rejeté par Pedro Sanchez. Une date a été fixée en septembre pour la reprise des discussions entre les deux gouvernements. Ils doivent aborder la crise politique et territoriale en cours en Catalogne depuis plusieurs années.
Pere Aragonés est un indépendantiste modéré qui a été investi le 21 mai dernier par le Parlement de Catalogne. Il est le dirigeant du parti de la Gauche Républicaine de Catalogne (ERC). Tandis que certains séparatistes défendent une voie radicale non conforme au cadre légal espagnol, Aragonès favorise la voie de la négociation.
Le 22 juin, Pedro Sanchez a décidé de la libération d’ex-dirigeants catalans. Il s’agit d’une grâce accordée aux neufs leaders séparatistes catalans emprisonnés pour « sédition » depuis plus de 3 ans. Cette démarche en faveur de la réconciliation a été violemment critiquée par les partis d’opposition au parlement et l’opinion publique y était majoritairement hostile.
Les indépendantistes catalans ont accueilli les grâces avec un enthousiasme mitigé. Ils demandent une amnistie pour les dirigeants libérés et une résolution au conflit politique.
Un sentiment indépendantiste qui s’est accentué au fil des années
La Catalogne est une communauté autonome qui dispose de ses propres institutions : une présidence, un Parlement et un Gouvernement. Elle reste néanmoins sous l’autorité de Madrid.
Une consultation sur l’indépendance de la Catalogne a été mise en place par Artur Mas, président de la région de l’époque, en 2014. Une majorité des Catalans ayant voté se positionnent en faveur de l’indépendance.
En octobre 2017, la tentative de sécession de la Catalogne est une des pires crises politiques vécues en Espagne depuis la fin de la dictature. L’ancien président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, a déclaré unilatéralement l’indépendance de la région et s’est ensuite réfugié en Belgique. Un référendum d’autodétermination avait été organisé par le gouvernement régional malgré son interdiction par le Tribunal constitutionnel. Selon les autorités catalanes, le « oui » l’aurait emporté avec 90,18 % des voix mais avec seulement 42 % de participation.
Le gouvernement de Madrid rejette catégoriquement cette déclaration. Le 21 octobre, le Président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy annonce le recours à l'article 155 de la Constitution espagnole de 1978, qui suspend l'autonomie de la Catalogne
Les responsables politiques liés à ces évènements ont été condamnés à des peines allant de neuf à treize ans d’emprisonnement lors d’un procès en octobre 2019.
Ces peines d’emprisonnements ainsi que les violences policières qui ont suivi la déclaration d’indépendance ont été fortement dénoncées par une partie de l’opinion publique.
Quel état aujourd’hui ?
Lors des élections régionales de février dernier, les formations indépendantistes ont obtenu 52% des suffrages. Il y a dix ans pourtant, moins d’un quart de la population catalane défendait l’indépendance.
Pere Aragonés souhaite accélérer le développement de la région qui selon lui a été limité par les années centrées sur la lutte pour l’indépendance. Il s’agit en effet de se pencher sur des questions concrètes en matière d’économie notamment. La Catalogne fournit 20% du PIB espagnol, génère 21% des recettes fiscales nationales mais ne reçoit que 11% des investissements publics.
Le gouvernement central ne va pas, quant à lui, renoncer à garantir l’unité de l’Espagne. Pedro Sanchez a en effet récemment déclaré au Parlement qu’un référendum d’autodétermination ne pourrait avoir lieu. Il faudrait en effet avoir l’approbation des trois cinquièmes de la chambre pour modifier l’article 2 de la Constitution. Ce dernier énonce « l’unité indissoluble de la Nation espagnole » et bloque ainsi en théorie toute tentative séparatiste.
Crédit photo 1 : Victor Grigas, Wikimedia Commons / no change made, Creative CommonsAttribution-Share Alike 4.0 International
Crédit photo 2 : Generalitat of Catalonia, Wikimedia Commons, no change made / Public Domain
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