Par Anastasia Postovan
Une tension exacerbée par un attentat terroriste
Certains pays musulmans se sont sentis offensés par les caricatures du prophète Mahomet publiées par le journal satirique Charlie Hebdo, et ont encore moins apprécié le discours du président français à ce sujet. Emmanuel Macron a déclaré dans son discours d’hommage au professeur d’Histoire Samuel Paty, assassiné à Conflans pour avoir montré une caricature du prophète Mahomet à ses élèves lors d’un cours sur la liberté d’expression, que la France ne renoncerait pas aux caricatures religieuses. Ceci a provoqué des manifestations et de vives critiques de plusieurs pays comme la Turquie, la Libye, l’Algérie, le Bangladesh et le Pakistan.
Un appel au boycott
La première personne à s’exprimer publiquement fut le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a appelé au boycott des produits français et affirmé qu’Emmanuel Macron « devait se faire soigner ». «Comme son pays s’est vu refuser l’entrée dans l’Union Européenne, il revendique une souveraineté qui s’aligne sur l’islam», analyse Julie Billaud, anthropologue spécialiste de l’islam et professeure à l’IHEID de Genève. «On voit qu’il y a des régimes qui sont en pleine dérive. Ils profèrent des menaces et des intimidations qui auparavant étaient propres à des mouvements islamistes. C’est très inquiétant», poursuit Myriam Benraad, également chercheuse à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman.
C’est en effet lors d’un discours à Ankara que le président turc a déclaré «Tout comme en France certains disent «n’achetez pas les marques turques», je m’adresse d’ici à ma nation : surtout ne prêtez pas attention aux marques françaises, ne les achetez pas». Recep Tayyip Erdogan considère également que «les musulmans d’Europe sont traités comme les juifs avant la Seconde Guerre mondiale», accusant certains dirigeants européens de «fascisme» et de «nazisme».
A la suite de ces déclarations, des drapeaux français ont été brûlés, des portraits d’Emmanuel Macron ont été piétinés… Dans les rues de Mogadiscio, la capitale somalienne, et dans plusieurs pays musulmans, la colère gronde. « Aujourd’hui, nous sommes sortis pour protester contre la publication de caricatures sur le prophète Mahomet. Nous sommes tristes en tant que musulmans et nous n’accepterons jamais (ces caricatures) », déclare un des manifestants.
Mais la France n’a pas l’intention de se laisser impressionner. «Malgré les intimidations, la France ne renoncera jamais à ses principes et à ses valeurs et notamment à la liberté d’expression et à la liberté de publication», a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal à l’issue du Conseil des ministres du 28 octobre dernier.
Une décision préjudiciable à l’économie turque
En Turquie, le boycott des produits français va fragiliser l’économie nationale. Presque 150 000 emplois dépendant d’entreprises françaises vont être menacés.
Comme un effet boomerang, l’appel au boycott des produits français lancé, lundi 26 octobre, risque de se retourner contre l’économie turque. Plusieurs médias pro gouvernementaux ont fait circuler une liste de près de 150 marques françaises, dans divers secteurs. Les produits alimentaires, les cosmétiques, le prêt-à-porter, les constructeurs automobiles, les stations essence Total et les enseignes de la grande distribution sont également visés, de même que les cours de langue des instituts français. Seulement, de nombreux produits dits «français» sortent en réalité des usines du pays.
Par exemple, une voiture sur cinq vendue en Turquie est assemblée dans des usines du groupe Renault, dont une est située à Bursa au nord-ouest du pays, et où travaillent 6 000 personnes. Quant à Danone, ils emploient environ 2 000 salariés dans ses huit centres turcs de conditionnement d’eau minérale et dans sa grande usine de produits laitiers à Kirklareli, en Thrace orientale. Son concurrent, Bel, dispose, lui aussi, d’une usine dans la même région.
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