Entre le 2 et le 11 janvier, le Kazakhstan a été ébranlé par une révolte qui s’est répandue dans tout le pays. Si elle tire son origine de l’augmentation du prix du GNL (Gaz Naturel Liquéfié), elle s’est mutée en une vague de protestations à l’encontre du pouvoir autoritaire en place depuis 1989. La répression de l’armée kazakh et des contingents russes envoyés en renfort sur le territoire a fait beaucoup réagir la communauté internationale.
Le Kazakhstan, un pays discret mais central
Si le Kazakhstan est un vaste pays dont la superficie équivaut à cinq fois celle de la France, il est en revanche l’un des pays les moins peuplés au monde, avec sept habitants au kilomètre carré. Son PIB par habitant est relativement élevé, atteignant les 10 000 dollars par habitant, bien que de fortes inégalités creusent un fossé entre les différentes strates de la société ; le salaire mensuel moyen est l’équivalent de 500 euros et dans certaines régions, les conditions de vie sont très rudes.
Première économie d’Asie centrale, le Kazakhstan a trouvé sa fortune dans les hydrocarbures, exportés à travers le monde, à l’Italie, aux Pays-Bas ou à la France, par exemple. De ce fait, ce territoire tient un rôle central dans l’économie mondiale.
À sa tête, depuis 1989 jusqu’au début de l’année 2022, se trouvait Nazarbaïev, un homme au pouvoir autoritaire, à la politique étrangère aussi diversifiée qu’équilibrée et par-dessus tout désireux de conserver de bonnes relations avec la Russie. En effet, des russophones se trouvent au Kazakhstan : au moment de l’indépendance du pays, en 1991, ils étaient aussi nombreux que les Kazakhs et représentent aujourd’hui environ 20% de la population, concentrés dans les régions proches des frontières russes.
Depuis 2019, Nazarbaïev a quitté la présidence, mais a conservé le titre de « chef de la nation » ainsi que le véritable pouvoir au sein du conseil de sécurité chargé de conseiller le chef de l’État. Néanmoins, Tokaïev, son bras droit, qui jouit depuis 2019 de pouvoirs élargis, ayant également été élu « président » à la majorité (plus de 70%), prend peu à peu le sort du pays en main.
Une révolte sanglante
Entre le 2 et le 11 janvier le pays a été plongé dans le chaos et a subi une répression sanglante de la part de l’armée.
Le déclenchement de la révolte réside dans l’augmentation drastique du prix du GNL, un carburant particulièrement utilisé à l’ouest du pays où se situent les régions pétrolières les plus riches mais aussi celles où l'on voit le plus d’inégalités et où les conditions de vie de certaines couches de la population sont difficiles. C’est d’ailleurs dans ces régions que sont nés plusieurs mouvements sociaux par le passé. La question de la répartition des richesses et du gouvernement économique et social du pays est alors soulevée et la révolte, comme une traînée de poudre, s’étend au reste du pays. Elle révèle le rejet des pouvoirs agglomérés autour d’un seul homme pendant ces trente dernières années. Ce genre de situation ne s’était jamais produit auparavant.
Le 4 janvier, Almaty, la capitale, est prise d’assaut par les manifestants : des groupes plus violents et armés s’en prennent à l’aéroport, aux chaînes télévisées, à des bâtiments officiels comme la mairie et déboulonnent des statues, notamment celles de l’ancien président, Nazarbaïev.
Internet est coupé, les frontières sont fermées, le monde n’a de nouvelles que sporadiquement et les rebelles, qualifiés de « terroristes » par le pouvoir, sont arrêtés. Tokaïev autorise l’armée à tirer sur les foules de rebelles sans négociations préalables et finit par appeler Moscou à l’aide. Il le fait au nom de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC ou OKBD). Ce traité regroupe la Russie, et dans une moindre mesure l’Arménie, le Tadjikistan, le Kirghizstan et le Kazakhstan. Le mécanisme d’assistance militaire ne peut être déclenché que lorsqu’un des membres fait face à une agression extérieure…c’est pourquoi le terme de « terroristes » employé par Tokaïev n’est pas anodin. La Russie a envoyé 3 000 hommes sur place tandis que d’autres pays membres du traité n’en ont envoyé que quelques dizaines.
Nazarbaïev, quant à lui, ne s’est pas manifesté en public depuis le début du mois.
Conséquences
Les chiffres officiels et ceux donnés par les manifestants divergent. Ces derniers affirment que près de 200 personnes sont mortes et plus de 2 000 ont été blessées. Les autorités font quant à elles état d’une trentaine de manifestants tués. Près de 10 000 personnes ont été arrêtées.
Tokaïev a limogé son gouvernement, ce qui est une démarche classique visant à retrouver le calme civil. Les troupes russes ont quitté le territoire : « L’opération du maintien de la paix est finie (…), les tâches ont été remplies » a déclaré le général russe Andreï Serdioukov.
Le retour au calme semble acquis pour le nouveau président qui a imposé un jour de deuil national, sous haute surveillance. Il en a profité pour prendre la parole et pour tancer l’ancien président qu’il a accusé d’être à l’origine d’un népotisme et de politiques économiques qui auraient déclenché cette crise.
Le 10 janvier, la communication avec Almaty et plus généralement le Kazakhstan a été à nouveau coupée. On ne sait pas encore ce que le nouveau président compte faire pour recouvrer la confiance du peuple kazakh, ni le sort qui est réservé aux manifestants.
Crédits photos : Wikimedia Commons, no change made, Creative Commons
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